dimanche 25 janvier 2009

Madoff, Israël, « les copains et les coquins »

A côté des commentaires divers suscités par la politique à peine extérieure et souvent militarisée d’Israël, il y a, nous l’avons souligné récemment, un aspect très caractéristique de l’évolution d’Israël selon des lignes dont certaines ouvrent la perspective d’un « failed state » ou d’un « Etat-mafieux ». C’est un autre aspect de l’américanisation d’Israël (en plus de celui illustré par l’IDF), puisqu’il s’agit d’une conséquence directe de la globalisation et de l’expansion de l’hyper-libéralisme en vogue jusqu’en septembre 2008.

Dans un article publié le 14 janvier 2009 sur Online Journal, selon des données dont certaines sont reprises de « Wayne Madsen Report » (la lettre d’information de Madsen), Wayne Madsen évoque des hypothèses concernant des liens éventuels de Bernard Madoff, du scandale à $50 milliards du même nom, avec l'establishment israélien, dans le cadre du rachat d’une banque israélienne en 2005 par un associé de Madoff. Il rappellent d’autres cas de liens entre dirigeants politiques israéliens et financiers américains, cette fois dans le cadre d’autres affaires du même type.

« WMR avait déjà signalé que Madoff était soupçonné d’avoir transferrer une grande partie de ses gains illicites à des banques Israéliennes, dont la Bank Leumi que l’associé de Madoff, J. Ezra Merkin, avait achetée au gouvernement israélien quand Ariel Charron était premier ministre et l’actuel premier ministre Ehoud Olmert, ministre des finances.

« Presqu’oublié au milieu du scandale Madoff, figure un autre scandale dans lequel Morris « Moshe » Talansky, un homme d’affaire new-yorkais, reconnut qu’il avait remis à Olmert 150.000 dollars en liquide sous forme d’enveloppes. Le scandale obligea Olmert à annoncer qu’il se désisterait de son poste de premier ministre, mais pas avant de lancer une attaque génocidaire contre Gaza.

« Le milliardaire Sheldon Adelson de Las Vegas, qui est un important donateur du Parti Républicain, a aussi fait preuve de générosité à l’égard du chef du Likoud et du prétendant au poste de premier ministre,Benjamin Netanyahu, qui espère succéder à Olmert comme premier minstre.

« Madoff, Talansky, Merkin, Olmert, Netanyahu, Adelson, l’ancien premier lobbyiste du parti républicain Jack Abramoff et son associé Adam Kidam, Rahm Emanuel, et tous leurs camarades de Washington, de Tel Aviv, de Jerusalem, de Londres, d’Ottawa et de Paris rappellent le proverbe hébreux : « ba’al ha’mea ba’al ha’dea » ou « celui qui détient l’or fait la loi » (Online Journal, 14/01/09,trad. RS.)

Ces diverses observations soulignent à leur façon un problème qui est en train de se développer, qui implique la direction politique d’Israël, la communauté juive des USA et certains éléments de cette communauté impliqués dans des pratiques douteuses avec la direction politique israélienne.

Il faut avoir à l’esprit que l’action de Madoff s’est développée notamment, et d’une façon spectaculaire, avec (ou plutôt contre…) la communauté juive américaine. Comme on l’a vu, la mise à nu du scandale a provoqué un choc d’autant plus grand dans cette communauté que les liens établis par elle avec Madoff, lui-même juif, étaient basés sur une confiance courante dans ces milieux. Madoff est considéré comme un cas très grave d’entorse à ces liens de confiance et de solidarité, qui forment une des structures fondamentales de cette communauté.

Là-dessus, intervient le facteur israélien. On connaît évidemment les liens entre la communauté juive américaine et Israël, et aussi les liens financiers, basés évidemment, du moins en apparence et selon des conceptions proclamées de moralité et de solidarité, sur l’idée du soutien communautaire des juifs américains à Israël. Il s’agit de ce que les juifs américains considèrent par excellence comme une « noble cause ». Elle est appuyée, encore plus précisément, sur des liens avec les dirigeants politiques israéliens. On comprend quel serait le choc supplémentaire de ce scandale s’il s’avérait qu’il existe des liens de complicité entre Madoff et ces dirigeants.

Le cas est intéressant parce que tous les acteurs de cette affaire, et des prolongements potentiels qu’on y trouve, sont juifs, et que, par conséquent, l’aspect polémique que pourraient susciter des soupçons d’antisémitisme est écarté. Reste alors que certaines pratiques éventuellement mises en lumière d’une façon spectaculaire par le cas Madoff pourraient gravement peser sur la perception du comportement des dirigeants israéliens, précisément dans le chef de la communauté juive des Etats-Unis.

Cette perspective éventuelle est importante dans la situation présente, essentiellement pour deux raisons, qui naturellement se complètent. D’une part, elle accentuerait le malaise général aux Etats-Unis vis-à-vis d’Israël; et ce même malaise concernerait encore plus la communauté juive aux Etats-Unis, dont le rôle est si important dans les liens des Etats-Unis avec Israël. D’autre part, cette même perspective renforce la perception d’un pays, Israël, où se développerait une dimension de corruption et de « gangstérisation » de la direction politique, à un moment où la situation politique est elle-même très incertaine en raison des polémiques soulevées par l’action d’Israël dans la crise de Gaza. Le discrédit de la direction politique est une chose qui peut être perçue comme accidentelle, l’apparition de structures d’une évolution vers ce qu’on a coutume de désigner comme un « Etat-mafieux » est un autre aspect de type structurel qui recèle une réelle gravité et met en cause la légitimité même du régime.

Cette éventuelle orientation d’Israël (corruption, « gangstérisation ») est un aspect important à suivre dans l’évolution du pays. Il faut noter qu’il ne s’agit pas nécessairement d’un aspect différent de l’évolution de la politique extérieure et de sécurité nationale d’Israël, mais d’un aspect complémentaire. Cette politique de sécurité nationale est fortement liée à l’agenda des néo-conservateurs américains et de l’industrie d’armement des Etats-Unis, et ces deux pôles d’activité sont eux-mêmes très habiles dans l’exploitation d’« affaires » diverses, avec les avantages de corruption et de tractations intéressantes qui vont avec (voyez le cas inévitable de Richard Perle), en même temps que dans la promotion d’une politique extérieure et d’une idéologie agressives. Le lien entre les deux (corruption et bellicisme) est beaucoup plus qu’accidentel ou conjoncturel, il est organique et structurel comme la démonstration générale en est faite en permanence sur divers théâtres d’opération, que ce soit avec les diverses manigances au Moyen-Orient, que ce soit dans le cadre de l’activisme neocon en Europe, autour d'un Bruce P. Jackson.

Mis en ligne le 19 janvier 2009
© www.dedefensa.org
http://www.dedefensa.org/article-madoff_israel_les_copains_et_les_coquins__19_01_2009.html

Correspondance Polémia
21/01/09

Note de la rédaction :

(*) « Il s'agit d'un aspect d'Israël qui est peu connu par rapport à l'image que l'actualité nous restitue de ce pays, et qui nous apparaît comme extrêmement spectaculaire quand il est connu. Comme pour le cas de la transformation, de l'américanisation de l'armée israélienne, – Tsahal devenant symboliquement l'IDF, ou Israël Defense Force, – le développement du crime organisé répond au calendrier de l'américanisation d'Israël parallèle à l'introduction d'une économie libérale qui favorise notamment l'individualisme, l'atomisation de la société, sa fragmentation et les petits et grands trafics »

http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=206
Source : Polémia

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