mardi 27 janvier 2009

Le lapsus des tartuffes

C'est l'hiver avec son habituelle succession de coups de froid et de redoux. Tout les médecins le savent, cette inconstance météorologique est propice au développement des épidémies. Parmi celles qui sévissent ces temps-ci le lapsus n'est pas la moindre même si ses conséquences sur la santé publique apparaissent le plus souvent bénignes et ont cet incomparable avantage de nous porter plus volontiers vers le sourire en coin que vers l'affliction compatissante.

Acte manqué, le lapsus est à la fois un mensonge qui choisit de s'avouer obliquement et un repentir qui s'esquisse dans le déraillement de la langue. En ce sens c'est un hommage que le vice rend involontairement à la vertu.

Nous l'avons noté ici même, jeudi dernier, des organisations juives convoquaient place de la République la classe politique locale pour manifester, sans le dire, son indéfectible soutien à une puissance nucléaire du Proche Orient qui n'est menacée par personne si ce n'est par sa propre hubris. Thème consensuel de cette démonstration, la paix, la tolérance et la convivialité inter communautaire, c'est à dire un fatras de lieux communs couvrant du voile pieux de la morale antiraciste des intentions nettement plus partisanes comme le laissait entendre le libellé d'une invitation dont nous avons éventé le malheureux lapsus.

Dimanche, grâce à Éric Besson, notre collection de dérapages sémantiques s'est enrichie d'une nouvelle perle. Chacun connaît Besson, sorte de Lucky Lucke de la vie politique française. Lui ne tire pas, certes, mais il passe du PS à l'UMP à la vitesse d'une balle de 357 magnum. Pour déroutante qu'elle soit aux yeux de certains cette conversion expresse a au moins une vertu. Elle souligne que les "partis de gouvernement" convergent à ce point, tant dans le style que dans le fond, qu'il est devenu loisible à leurs responsables de tourner casaque au moindre coup de Trafalgar électoral sans pour autant trahir leur maigre capital d'idées. Soit, mais enfin dira-t-on, la décence aurait pu lui dicter un peu de retenue dans la précipitation.

Hélas, la précipitation, c'est justement ça le problème d'Éric Besson.

Bref, son impérieux désir de servir la patrie l'a emporté sur tout le reste et le voici depuis quelques jours confirmé dans son rôle de nouveau baron de la Sarkozie. Haut responsable de l'UMP et désormais ministre de l'immigration et de l'identité nationale. Un poste stratégique où il importe de mitonner au mieux un improbable ragoût fait de carpe et de lapin. Bien sûr ce n'est pas un plat de terroir mais une cuisine toute d'hybridation et tellement tendance. le rôle du chef Besson: faire mijoter des alliages impossibles sans paraître se contredire. En un mot, maintenir tout à la fois les électeurs du Front National dans l'escarcelle présidentielle sans pour autant alarmer plus qu'il n'est raisonnable les angéliques dévots de la diversitude sans frontières et leurs amis de l'hôtellerie-restauration et du BTP.

Dimanche donc, Besson essuyait les plâtres de ses nouvelles fonctions ministérielles au micro du grand jury RTL. Comme le veut la correctitude politique il commençait par y barbouiller un mensonge que sa répétition ânonnante a fini par doter de vraies-fausses lettres de noblesse. "La France, prêchait-il, a été et est toujours une terre d'immigration". Va pour le présent, mais pour ce qui concerne le passé le ministre d'ouverture ment ouvertement. Il suffit pour le constater de se reporter aux quatre tomes de "L'histoire de la population française" parus aux Presses Universitaires de France il y a quelques années. Quoiqu'en disent les falsificateurs cette lecture puisée aux meilleures sources montre qu'entre le VIème et le XIXème siècle l'anthropologie de l'ancienne Gaule ne subit aucune modification de sa substance originelle. Plus d'un millénaire de stabilité donc. Une paille !

Poursuivant sa péroraison, il enchaînait aussitôt: "C'est vrai des temps anciens, tout le monde le sait, des grandes invasions. C'est vrai du XIXème et du XXème siècle, avec les Italiens, les Polonais, d'autres qui se sont intégrés".

Puis survient le déraillement impromptu, la catastrophe langagière, le lapsus qui tue. Tout absorbé par le déroulé de sa grande fresque métisseuse Besson poursuit: "Ensuite, il y a eu à la fois une invasion... euh, euh, une immigration en provenance d'Afrique et du Maghreb". Très pro, la girouette a immédiatement senti la tempête se lever. Quoi ? l'immigration africaine sans laquelle nous serions condamnés à la moisissure, au repli frileux et au déclin de l'esprit (sans parler de celui du foot ball) assimilée tout de go à une invasion ? Il se reprend donc illico: "Non, pas une invasion. Qu'il n'y ait pas de lapsus sur le sujet".

Le boulet de la lucidité est passé très près mais le ministre n'est pas un perdreau de l'année. C'est la grande différence avec les pèlerins de la place de la République. Sentant qu'il frisait le désastre et peut-être même le chômage il s'est repris dans l'instant.

Sa langue a fourché, certes, mais qu'on se le dise, sa pensée n'a pas vacillé. Le lapsus ne passera pas !

Source : Coclés pour la droite strasbourgeoise
Merci à Robert Spieler

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