mercredi 28 janvier 2009

In CIA we Trust !

Désigné le 9 janvier dernier par le nouveau Président des Etats-Unis pour occuper le poste de Directeur du Renseignement National (Director of National Intelligence), l’ancien Amiral de l’US Navy, Denis C. Blair a déclaré devant la Commission de la haute chambre du Congrès des Etats Unis qu’il aurait à cœur de mobiliser tous les moyens dont disposent les services de renseignements américains pour faire face aux dangers qui menacent la sécurité et les intérêts de l’Amérique dans le monde.

Ces moyens sont ceux des 16 services de renseignements américains regroupés sous le label d’Intelligence Community et dont le CIA fait partie. Passant en revue les conflits dans lesquels la puissance américaine se trouvait engagée à travers le monde, le nouveau chef des services d’espionnages américains n’a pas caché son intention d’accorder une attention toute particulière à l’évolution des relations entre l’Europe et la Russie. Les propos liminaires de cette intervention devant la Commission ont été rendus public dans un document de cinq pages dont nous avons extraits les deux passages se rapportant à la manière précisément dont les Etats-Unis entendaient agir pour que ces relations ne contrarient pas leur influence en Europe.

« While the United States needs to understand Russia’s military plans and ambitions in what it calls it « near abroad », the Intelligence Community also needs to help policymakers understand the dynamics of European security issues including the actions of our allies and friends, in order to craft policies that will support American objectives ». “ Tandis que les Etats-Unis doivent comprendre les plans et les ambitions militaires de la Russie qui concernent ce qu’elle appelle son « étranger proche, la communauté du renseignement doit aussi aider les politiques à comprendre les dynamiques des problèmes de sécurité européenne, ainsi que les actions de nos alliés et de nos amis à cet égard, afin de promouvoir des politiques en faveur des objectifs américains ».

Autrement dit, l’Amérique entend peser de tout son poids sur les sujets qui pourraient remettre en cause le caractère euro atlantiste de la politique suivie jusqu’à présent par l’Union Européenne. Les projets d’accords gazier entre les pays riverains de la Mer Caspienne d’une part et la Russie et l’UE d’autre part, la question de l’intégration de la Géorgie et de l’Ukraine dans l’OTAN, le plaidoyer de Sarkozy et Medvedev pour l’ouverture de négociations en faveur d’un nouveau cadre de sécurité européen, l’élargissement de l’Europe à la Turquie, constituant en fonction des solutions qui leur seront trouvées, autant de dossiers potentiellement dangereux pour les visées géostratégiques des USA en Europe. D’où l’impérieuse nécessité pour ceux-ci de se ménager parmi les élites européennes des soutiens, sinon des complicités qui puissent œuvrer dans leur entourage en faveur d’une meilleur compréhension des ambitions américaines en Europe, cela bien sûr au service du bien commun. Il s’agira donc d’identifier ces décideurs susceptibles de faire la promotion de la politique européenne des USA, de les aider dans leurs entreprises de persuasion. Cela s’apparenterait presque à faire du recrutement d’agents d’influence. Le deuxième passage que nous citons ci-dessous est suffisamment explicite à cet égard pour bien comprendre qu’Obama n’entend pas déroger à la politique de ses prédécesseurs tendue vers l’avènement d’un monde recrée à l’image de la « Nation indispensable ».

« While traditional friends of the United States disagree with individual American policy on specific countries and issues, the Intelligence Community can also help policymakers identify the many government leaders and influential private leaders – in Europe, in Asia and elsewhere – who share American ambitions for the future and are willing to work together for the common good”. Tandis que les amis traditionnels des Etats-Unis ne partagent pas certains choix politiques concernant des pays et des problèmes particuliers, la communauté du renseignement, peut aider les politiciens (américains) à identifier dans les sphères gouvernementales ou les cercles privés, les leaders, qui en Europe, en Asie et partout ailleurs, partagent les ambitions américaines pour le futur, et sont disposer à œuvrer avec nous pour le bien commun.

Placée sous le double signe de la transparence et du cynisme, cette déclaration est en tout cas significative des mêmes certitudes qui devraient continuer à sous tendre la politique étrangère des Etats-Unis, en Europe notamment. Au moment où les élections européennes vont avoir lieu, le choix des électeurs devraient se déterminer en fonction de deux critères : le degré de sympathie du candidat envers les ambitions américaines en Europe, et a contrario celui de son attachement à l’indépendance de notre continent. Un moyen en somme de séparer le bon grain de l’ivraie.


Source : Le Nouveau NH

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